Objet: de Perche en Drouais
Le samedi
, habituellement c’est sabbat, sauf pour les visiteurs du ciel. Les journées du
patrimoine prennent tout leur sens quand on prend de la hauteur. Pas de
queue, vue imprenable si vous évitez les
petits requins ailés qui ont l’outrecuidance de croiser votre route à bord de
leur Cessna ou autre oiseau de même acabit. C’est presque tous les jours dimanche pour peu
qu’Eole ne s’invite à la fête.
La météo
de ce samedi fut particulièrement agréable
L’automne est souvent propice aux ballades aériennes. Les
couleurs sont chaudes, l’air encore doux, le ciel lumineux. Malgré tout, le bel
anticyclone de ce début d’octobre nous offre une barre d’inversion thermique
bien matérialisée. Vous savez, cet horizon rose violacé que l’on rencontre
parfois au cœur de l’hiver et qui fait sensiblement grimper les pics de
pollution atmosphérique dans nos métropoles.
Mais n’anticipons pas, car
l’intérêt du paramoteur c’est l’incertitude : décollera, décollera pas.
Vous l’aller voir dans quelques lignes.
Or donc, nos compères, après
avoir goûté les douceurs d’une nuit réparatrice dans le cadre champêtre d’une
jachère en bord de route, à titre personnel, je recommande la tente de toit qui
isole de l’humidité et ménage les organismes sujets au rhumatisme, s’en furent
se restaurer dans le marché couvert de la bonne ville de Dreux.
Il est près de 10 heures 30 et le
brouillard encore tenace en cette heure déjà avancée n’incite pas à la
précipitation. Café-croissant puis re-café et… pas re-croissant – on tiens à sa
ligne tout de même. Le temps de tailler une bonne bavette avec le tenancier du
comptoir, particulièrement connaisseur de la chose aérienne, de rentrer des
points dans la « machine qui dit où l’on est sans avoir besoin de regarder
une carte qu’il serait trop difficile de déployer à bord de nos engins
exigus », et nous voilà en quête d’un terrain de décollage que l’on
souhaite acceptable. C’est un grand classique.
Une bonne demi heure pour faire
25 kilomètre jusqu’à l’ancienne base aéronautique de l’OTAN à Senonches et
retourner quelques peu sur nos traces et nous voilà toutes voiles dehors fin prêts à décoller. Au préalable nos airs
de malfrats mal rasés et surtout notre véhicule prolongé par une remorque
suspecte ont alerté un voisin du propriétaire du champ qui vient en
« curieux » voir ce que nous pourrions bien traficoter. Son 4x4
asiatique et sa tenue de combat ne rassure guère sur ses probables intentions.
Les apparences sont trompeuses. Il nous a, il est vrai, pris pour des larrons,
chipeurs de bois car certains indélicats sont coutumiers du fait, en plus
d’être braconniers, mais, tous renseignements pris il devient très avenant
lorsqu’il découvre nos machines et nos projets
Je décolle en premier et c’est le
début … des emmerdements
Acte 1 - Mauvais coup du sort
Maillebois. Charmant petit
château du XVIIe siècle niché au fond d’un joli val boisé et entouré d’un mur
seigneurial dont les dimensions n’ont rien à envier à la muraille de Chine. Nos
amis les lagomorphes ne portent pas ce petit chef d’œuvre d’architecture
bourbonienne dans leur cœur. C’est en effet d’ici qu’est partie la myxomatose,
sciemment cultivée par le seigneur des lieux au début des années 1950.
Heureusement je ne suis pas un lapin volant… Quoi que…
Après quelques clichés d’un grand
donjon ruiné au milieu d’une belle ferme qui dû probablement être une
seigneurie respectable, direction le grand sud
Sans compter ma voile, je me sens
pousser des ailes.
Le grand air, cette
indescriptible sensation de liberté, je monte à 800 m/sol, puis je coupe le
moteur pour humer le parfum du paradis. Près d’un quart d’heure de plénitude.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin et il faut savoir raison garder. A
150 m du sol le pouce gauche sur le bouton du démarreur électrique, juste un
petit clic, pas de résonnance infernale que mes congénères au sol maudissent
habituellement. Pas le moindre petit bruit de piston. J’ai tout à coup la
sensation étrange de ressembler à un personnage bien connu de Tex Avery au
moment précis ou il vient de dépasser largement le bord d’une falaise pour se
rendre compte qu’il n’a pas de parachute…. Eh bien soit ; acceptons notre
coquin de sort et limitons les dégâts en nous posant au moins au plus près
d’une route. Tout cela est le prix à payer quand on n’est pas technicien pour
deux sous et qu’on ne comprend pas qu’une batterie, même neuve, ça se RECHARGE.
Plus amusant, soyons fou, la radio est inaudible par mon comparse et le
téléphone portable…. dans la camionnette… à 10 km de là !.. La totale
Voile pliée et camouflée, moteur
caché dans un sous bois, je me mets en quête d’un automobiliste-sauveteur qui
aura bien pitié d’un zigoto casqué habillé en combinaison de ski, avec une
sacoche sous chaque bras. Pourvu qu’il ne me mène pas au service psychiatrique
le plus proche.
De toutes les façons, Il faut se
rendre à l’évidence, un samedi, à l’heure du repas, sur un chemin de campagne
traversé par les lièvres et les escargots, dénicher quelque chose qui roule
est chose particulièrement ardue.
10km à pied ça use, ça use…
Mon salut vient au bout de trois
km, personnifié par un jeune homme qui m’a vu atterrir et qui pétri de
compassion me prend en stop pour m’amener… à l’endroit où je viens d’atterrir.
Retour donc à la case départ Après de fines négociations, ledit jeune homme, assez pressé au demeurant,
accepte de me raccompagner (sans le matériel cela va sans dire) à
Maillebois. D’où il ne me reste plus
qu’à parcourir à pédibus les 3,5 km qui me séparent de mon véhicule roulant.
Quelle magnifique journée !!
Acte 2 - Revanche du destin
La camionnette tourne au ralenti,
histoire de recharger cette espèce de sal…. , gentille petite merveille de
technologie qui va, peut être, me permettre de tenter à nouveau ma chance dans
le grand bleu sidéral, n’en déplaise aux ayatollesques écologistes.
Matthieu vient d’atterrir en me
déballant avec sa coutumière diplomatie toutes les merveilles que j’ai ratées
pendant ses 3 heures et demi de vol.
Quoi qu’il en coûte, ma décision
est prise je sauterai un repas. Le timing commence à être serré car je suis
censé flotter au dessus de la noce sur les coups de 17 h 30, mais c’est
jouable.
Mathieu n’est guère enchanté par
ce changement de programme mais il se résigne. Il prendra la route –terrestre
pour se rapprocher de la localité où doivent se dérouler les festivités.
Le vent d’Est est un peu fort et
il m’éloigne un peu plus de ma destination, mais ce marathon là, je ne l’aurais
pas volé… ou plutôt, si ! Et ça vaut vraiment le coup car Matthieu a raison.
Les fermes fortifiées et les belles petites demeures de châtelains ruraux se
dévoilent comme des diamants le long
d’une rivière. Sur tout le parcours, c’est un vrai régal. 2 heures et quinze minutes plus tard, dans le
bon sens cette fois une voile, que je
pressens être celle de Mathieu grossit à l’horizon. Bingo, mon escorte est pile
à l’heure. Il est 17h15 et nous sommes coordonnés.
Il est temps d’honorer nos
engagements.
Acte 3 : Félicité nuptiale
Cherisy, petite banlieue
champêtre de Dreux, dernière demeure du comte de Paris, disparu à l’orée du
XXIe siècle. C’est dans cette bourgade que l’un des fils de Guy va s’unir avec
une jeune fille de bonne famille. Normalement, sans l’être officiellement, je
devrais être aux premières loges pour être un témoin privilégié de l’évènement.
Or, de mariés, point de trace sur la place de cette charmante église St Pierre
des XIIe et XIIIe siècle. Seule une ribambelle de voitures garées aux alentours
témoigne de l’évènement. Qu’à cela ne tienne, nous prendrons notre mal en
patience en tournicotant sur le village en espérant ne pas trop lasser les
riverains. Un petit passage aux dessus des étangs colonisés par des cabanes de
pêcheurs, nos hommages aux troupeaux de vaches qui broutent paisiblement au
fond du vallon chanté par Victor Hugo.
Oui mais voilà. La petite
merveille qui ronronne gentiment dans mon dos depuis près de 2 h et demi est
encore très dépendante des énergies renouvelables… Que pourtant il va bien me
falloir renouveler (généralement, dans une même journée, je me fais le coup de
la panne une seule fois. Faute de quoi, on pourrait croire que j’y prends goût.
Ca ferait jaser…)
Mathieu qui est au dessus de moi
semble me monter l’endroit ou il a garé la camionnette et l’huile de roche dont
j’attends le salut. L’endroit ne me satisfait qu’à moitié. Je pose un peu plus
loin, vais récupérer le précieux liquide, en gave le réservoir puis redécolle
illico-presto. L’opération n’a pas duré plus d’un quart d’heure mais, le temps
de retourner au dessus de l’église, le convoi nuptial est passé.
Oups ! A défaut d’être mon mariage,
ça pourrait bien être ma fête. Si par malheur le père du nouvel époux est
énervé le ciel pourrait bien rougir prématurément en début de soirée. Se
serait-on trompé d’église ou de noce ; La boulette
Deuxième chance. Les
réjouissances sont prévues à Marsauceux,
2 km plus au sud. Le temps de s’y rendre et les derniers invités sont entrain
de garer leur véhicule dans un pré. C’est donc récupérable. A la radio, Guy donne le signal. Deux ou trois passages au
dessus du banquet et il est temps de poser sagement. A priori, si j’en juge par
les réactions enjouées, notre cavalcade furtive a eu l’air de plaire.
Pliage du matériel sous le bruit
assourdissant des pales d’un hélicoptère piloté par un célèbre convive qui sans
le savoir, vient de nous voler la vedette, une
(peut être deux) coupes de champagne plus tard, nous reprenons la route
terrestre vers la grande Babylone. Il est près de 21 heures.
Vincent (le
Vicomte)
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Maillebois. rongeurs
de tous pays unissons nous. Ne lui disons
pas merci ! |
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Dampierre-sur-Blévy |
Jaudrais :
C’est d’avoir frôlé ce donjon en piteux état qui mit fin prématurément à un
vol libre idyllique |
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Le Coudray, douce
gentilhommière du Perche |
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L’Université de
Québec doit beaucoup à ce château dont le châtelain, natif de Montigny sur
Avre, François de Montmorency-Laval, premier évêque de Québec fût, à la fin
du XVIIe siècle, le fondateur. |
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Montigny-sur-Avre |
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