Objet:                                        Loarre

 

Les Valois ont édifié les châteaux de la Loire au début du XVIe. Les rois d’Aragon ont fait bâtir le château de Loarre 3 siècles plus tôt pour arrêter l’expansion musulmane dans la péninsule ibérique. Sur les traces de la Reconquista, notre petite troupe, Xary, Ferran, Maxime et votre serviteur, déferle de la Catalogne vers ce contrefort pyrénéen dont les décors hésitent entre Heidi et son jardin helvético-alpestre vers le Nord et un western spaghetti sur le versant sud.

Nous sommes le 20 août et dans toutes les Espagnes, depuis une petite semaine, la Bonne Mère est à l’honneur

Il est 7h30 le ciel est lumineux, l’air calme. Je ronge mon frein car si je suis déjà au pied de la camionnette à attendre  le départ vers un terrain de décollage de fortune, il n’en est pas de même pour mon fils cadet qui roupille comme un bienheureux dans la tente de toit sans se douter le moins du monde que son père le maudit de toute son âme pour avoir gâché de précieuses minutes de vol. Car en Aragon les thermiques eux aussi se lèvent tôt et décoller un peu trop tard c’est prendre le risque de passer de la « croisière s’amuse » à la « grande lessive », ce qui serait préjudiciable pour le cadrage photo… et éventuellement pour ma santé.

Deux solutions. Je ferme la tente de toit et je décampe en emballant le fiston façon sarcophage ou j’attends, je souris et je garde le flegme tout britannique qui me caractérise – au moins pendant les premières secondes.

A quelque pas de là, un bruit m’attire. Un voisin de camping bien placide rumine calmement son foin  me fixant de son œil, assez peu expressif il faut bien l’avouer, me rappelant à la zénitude.

Soit . J’attendrais donc.

Et c’est deux bonnes heures plus tard que je déballe la voile sur un vague terrain d’une régularité douteuse et constellé de magnifiques chardons secs. Alléchante mise en train. Il m’est souvent arrivé de choisir les terrains les moins adéquats. Celui-ci fait partie du top-ten. Pourvu que le vent me donne un léger coup de pouce.

 

Un peu de concentration et c’est le décollage un peu crispé sans sourire « ultabright » la rose entre les dents. Heureusement la voile se lève bien et la très légère pente facilite le décollage.  La beauté du site me récompensera de mes efforts. C’est absolument fabuleux. Après un cours survol du village, le château de Loarre me livre tous ses secrets. On dirait un Montségur ibérique qui n’aurait pas subi les assauts du temps et la folie intolérante des soldats du christ. Ici point de bûcher. L’édifice est presque intact et défie l’apesanteur.

Ne vous fiez pas à son apparence. Il s’agit en réalité d’une forteresse transformée en monastère à la fin du  au XIe siècle. Mais qu’avaient-ils donc à protéger, ces bons frères, sur ces contreforts pyrénéens ? Leur foi, leur vertu ou des nourritures plus terrestres… Probablement les trois.

Le point de vue est tel que je n’arrête pas de virevolter dans tous les sens au dessus de tours, de murailles et du donjon.

 

Une présence aérienne incongrue me rappelle à mes obligations. Un canadair vient de me croiser par la droite en déclinant un long cercle devant moi  à la même hauteur pour  disparaître derrière le massif auquel est adossé le château. Serais-je dans une zone d’entraînement ou d’opération ? Apparemment pas. Point de lac de ravitaillement ni de fumée douteuse.

Pour en avoir le cœur net, je quitte la zone, me colle à la montagne et décide de grimper à 1200m, au dessus de la crête. De là haut le paysage est grandiose . On embrasse une grande partie de la chaîne pyrénéenne particulièrement lumineuse en cette matinée estivale.

Et, soudain, de nouveau mon visiteur aéro-motorisé. Aurais-je oublié les règles élémentaires de la politesse aéronautique ?. Que nenni. L’oiseau métallique jaune et rouge poursuit son deuxième tour en piquant de nouveau sur le château. Il doit s’agir probablement d’un pompier en goguette qui profite de ses RTT pour faire du tourisme aérien avec son outil de travail. A moins qu’il ne s’agisse d’une reconstitution cinématographique iconoclaste de « Pearl Habour » version « Alamo ».

De toute façon, je ne compte pas moisir dans les parages. Depuis un bon quart d’heure, en effet,  les petits thermiques attendus me rappellent à leur bon souvenir. Je commence à comprendre ce que doit ressentir un glaçon dans un shaker. Il est grand temps d’aller se reposer sagement au fond du verre.

 

Le terrain d’où je suis parti est décidément bien inhospitalier :  j’irais donc traîner mes guêtres et mes suspentes un peu plus loin. Ce sera plus prudent. Comme prévu ça secoue un peu, et, de bulle de champagne en bulle de champagne, mes deux pieds viennent épouser la planète. Le temps de replier la voile et c’est au tour de Ferran de visiter le château, sans moteur cette fois. Il vient juste de décoller en parapente du terrain situé pratiquement à l’aplomb de l’édifice.

Même sans avoir planté l’étendard en haut du donjon, je me sens un peu conquérant et c’est les yeux remplis de bleu, d’ocre et de verdure que je replie la voile, un sourire béat me barrant le visage. Ce n’était pourtant pas le premier castel à tomber dans mon escarcelle. Mais pour être franc, celui là, « c’était du lourd ».

 

Hasta la vista compañeros y hasta pronto para otras aventuras

Vincent (le Vicomte)

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